Une mémoire, l'autre, de Pagnol à Hampâté Bâ

L'un et l'autre nous donnent des récits, des mémoires. Pagnol d'Aubagne, très célébré notamment par l'Education nationale, on lui doit nombre de dictées à notre académicien méridional et Amadou Hampâté Bâ qui est aujourd'hui comme le pendant de Pagnol dans l'Afrique de la francophonie. Si l'un est touchant, rétro, souvent enclin à la nostalgie et au pittoresque, l'autre me semble profond, critique mais pas cynique, parfois malicieux notamment lorsqu'il nous raconte ses souvenirs d'enfance du côté de Bandiagara...L'un et l'autre parlent finalement d'entre deux, entre deux langues, entre deux cultures, avec plus ou moins de conscience de l'altérité, de respect pour la culture opprimée. Certes, dans le Mali du début du 20-ème, la situation coloniale est plus aliénante que cette situation diglossique qui renvoie souvent le personnage de Pagnol à la couleur locale de ravi, d'imbécile au grand coeur... Certes, l'un et l'autre se sont nourris de l'oralité mais comment Amadou Hampâté Bâ réussit-il à relever si magnifiquement le pari de la narration autobiographique ? Son humour, différent de celui mis en scène par Pagnol, dit l'esprit de tolérance, la force du faible. Il réussit à raconter sans nostalgie, sans exotisme de pacotille les belles pages de la vie traditionnelle africaine avec parfois la précision de l'ethnologue ou de l'historien. Comme ces récits, ces chemins de mémoire, d'auto-connaissance si différents montrent finalement une longueur d'avance... du côté de l'écrivain d'origine peul. Un je ne sais quoi pour inviter à l'émancipation par la culture et la connaissance...